Savez-vous à qui vous confiez votre visage?

Aujourd’hui,  un sujet qui va brasser un peu la cage : les infirmières qui injectent Botox® and produits de comblement. Pour ou contre? La réponse risque de m’attirer quelques foudres, mais le débat s’impose et il faut que quelqu’un sonne l’alarme!

J’ai toujours considéré les injections de Botox et de produits de comblement comme des actes médicaux qui devraient être assumés par des médecins dûment qualifiés et entraînés aux mille et une facettes de l’art des injectables. Ne s’improvise pas injecteur qui veut, mais qui a les qualités requises! Vous me direz que le même argument vaut pour les infirmières et que toute bonne candidate peut devenir une experte dans le maniement de l’aiguille. C’est vrai, mais, en même temps, on ne doit pas perdre de vue qu’il s’agit d’un acte qui comporte son lot de complications possibles et d’effets secondaires auxquels une infirmière, aussi  bonne soit-elle, ne peut toujours répondre en toute connaissance de cause.

 La seule exception que je vois à cette situation, serait l’infirmière qui travaille dans un cadre très structuré, supervisée par un médecin injecteur chevronné qui se trouve sur place, où les responsabilités sont bien établies et partagées, et où le cadre juridique est bien spécifié.

Je connais un petit nombre d’excellentes infirmières qui travaillent dans ce contexte, mais il y en a de plus en plus qui profitent d’un flou artistique entourant cette pratique pour se lancer dans l’aventure sans être conscientes des risques auxquels elles s’exposent et des conséquences professionnelles qu’elles encourent en cas de poursuite ou de litige juridique. Je fais référence ici aux infirmières qui ouvrent des centres avec la signature complaisante de médecins qui souvent n’ont aucune idée de ce que sont les injectables et qui, de toute façon, ne sont même pas sur place pour assurer la supervision. Comment le pourraient-ils, d’ailleurs, puisqu’ils n’ont pas la formation requise?

Je gage que ces médecins, plus attirés par l’appât du gain que par la qualité du service offert, ne sont même pas au courant des  ramifications médico-légales en cas de poursuite, et Dieu sait qu’elles peuvent aller loin, et qu’ils n’ont pas signé de prescription collective qui encadre les gestes de leurs infirmières. Cette prescription, d’ailleurs exigée par le Collège des médecins du Québec, balise l’usage du produit ou médicament qui fait l’objet de la prescription, énumère les indications précises de traitement,  impose les doses maximum, identifie les endroits où injecter,  et ainsi de suite.

Le Collège des médecins du Québec et l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec prévoient qu’une infirmière puisse injecter Botox et produits de comblement, mais malheureusement ne l’obligent pas à travailler sous la supervision directe d’un médecin responsable. Il s’agit là, à mes yeux, d’une grave lacune qui demandera à être éventuellement corrigée. Peut être faudra-t-il attendre un malencontreux accident  bien médiatisé  pour que nos instances de protection du public se réveillent enfin et réglementent de façon plus stricte ce type de pratique?

Il faudra aussi que la population devienne plus exigeante sur les qualifications du professionnel de la santé auquel elle confie son visage et qu’elle pose les bonnes questions.  Quelle formation avez-vous? Depuis combien d’années vous faites des injections? Y a-t-il un médecin sur place qui vous supervise? Avez-vous une prescription collective qui inclut mon cas particulier?

Les médecins qui injectent ne sont pas tous bons et les infirmières  qui injectent ne sont pas toutes mauvaises, mais, de grâce, assurez-vous d’être entre bonnes mains!

Yves Hébert, MD